Les jeunes de la recherche Poppart

Christine Bellavoine
Pop-Part

Dans les 10 villes de la recherche [1], les jeunes ont participé dans leur grande majorité à l’ensemble du programme initialement proposé, soit environ une dizaine d’ateliers, la réalisation d’une capsule vidéo sur leur quartier, un entretien avec un chercheur [2]. Cet article analyse la composition de ce groupe, composé de 111 jeunes, dont 51% de femmes. Ce corpus n’est cependant pas exhaustif : certains jeunes ont participé aux ateliers sans réaliser d’entretiens

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Les jeunes de la recherche Poppart

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Un certain nombre de caractéristiques communes peuvent être dégagées, dessinant les contours d’une partie de la jeunesse issue de quartiers populaires d’Ile de France. Ces jeunes vivent pour beaucoup dans des quartiers d’habitat social, ont grandi dans des familles nombreuses et sont issus de l’immigration. Leurs parents exercent des métiers d’employés ou d’ouvriers.

Mais des différenciations existent également, entre les quartiers... Le rapport à l’emploi et l’activité des parents, les différentes configurations familiales, les trajectoires de formation et d’insertion, exprimant ainsi la diversité des milieux populaires aujourd’hui.

Des jeunes de quartiers populaires

La recherche portant sur les reconfigurations urbaines dans les quartiers populaires par le prisme de la jeunesse,3 le choix des quartiers a été au départ de la constitution des groupes de jeunes. Ce choix a été guidé par un objectif de diversité, et aidé par la connaissance antérieure des quartiers qu’en avaient les chercheurs inscrits dans le projet. Si les quartiers d’habitat social sont majoritaires, la présence de Suresnes, Vert Saint-Denis et Pantin a permis l’inclusion de quartiers pavillonnaires, et l’élargissement du corpus à des jeunes de familles populaires propriétaires [4].

A partir des quartiers choisis, la constitution des groupes s’est adaptée à celle du public des structures et associations locales partenaires de la recherche : les jeunes peuvent ainsi habiter un périmètre plus vaste que le quartier d’implantation de la structure. Par ailleurs, certaines structures, comme le Lab de Pantin ont un périmètre de recrutement correspondant à l’ensemble de la ville.

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Une majorité de quartiers d’habitat social

On peut ainsi identifier 5 quartiers emblématiques des « grandes cités » construites dans les années 70-80 : La Maladrerie à Aubervilliers, les Tarterets à Corbeil Essonne, Petit Nanterre à Nanterre, La Caravelle à Villeneuve et, plus tardivement, Basilique à Saint-Denis. Leurs situations diffèrent cependant, d’une part en raison de leur plus ou moindre grande distance avec Paris et les réseaux de transports, et d’autre part en raison de leur situation au sein de la commune. Le quartier Basilique à Saint-Denis se situe ainsi à 5 stations de métro de Paris, et au cœur du centre-ville de Saint-Denis. Par ailleurs, ils sont inscrits dans des programmes de rénovation urbaine depuis plus ou moins longtemps. (Cf. présentation des quartiers).

La ville de Vert Saint-Denis se caractérise par un habitat essentiellement pavillonnaire, et se situe en dehors du périmètre du grand Paris. A l’inverse, les quartiers du 18ème arrondissement de Paris, de la Chapelle et de la Goutte d’or, sont au cœur des enjeux de requalification urbaine et sociale liés au processus de métropolisation.

Globalement, 62% des jeunes vivent dans un logement dont les parents sont locataires du parc social, 15% propriétaires et 3% locataires du parc privé. Nous avons conservé les non-réponses dans le total des pourcentages car inégalement distribuées entre les villes, elles nous renseignent sur les quartiers les plus mixtes et ceux, comme à Clichy-sous-Bois, pour lesquels les recompositions urbaines liées à la politique de la ville ont profondément bouleversé la composition du parc de logements [5].

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Nous retrouvons peu ou prou les caractéristiques des quartiers dans le statut d’occupation des logements des jeunes et de leurs familles [6].

Cette correspondance est cependant tempérée en fonction de la plus ou moins grande ouverture des structures jeunesse.

Ainsi, à Nanterre, Saint-Denis, Villeneuve la garenne, Corbeil-Essonne et Aubervilliers, la quasi-totalité des jeunes habitent un logement social et dans le quartier d’implantation de la structure jeunesse. C’est également le cas à Suresnes alors que les jeunes résident dans plusieurs quartiers de la ville.

Sans surprise, c’est à Vert Saint-Denis que nous retrouvons les familles propriétaires. Les locataires du privé sont représentés à Pantin et Clichy-sous-Bois.


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Les quartiers en QPV

Si les quartiers populaires peuvent être appréhendés sous l’angle de leurs compositions sociales, des pratiques dominantes dans les espaces publics ou des formes d’économie spécifiques (ROSA BONHEUR 2020), ils n’en demeurent pas moins une catégorie d’action publique, consacrée par les politiques de la ville qui se sont succédé pour en délimiter le nombre et leurs périmètres (TISSOT 2007). Depuis la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine promulguée le 21 février 2014, un seul critère, celui de la concentration de bas revenus, est utilisé pour construire la liste des quartiers « prioritaires » de la politique de la ville (QPV). 1 296 quartiers de plus de 1 000 habitants, situés dans les agglomérations métropolitaines de plus de 10 000 habitants sont ainsi identifiés [7]. Ils font l’objet de politiques publiques ciblées, à travers deux volets, urbain (Agence Nationale de Renouvellement Urbain) et social (Agence Nationale de Cohésion des territoires).

Répartition des jeunes par ville et selon l’appartenance du quartier en QPV

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Globalement, 58% des jeunes vivent dans un quartier QPV. Si on ajoute Clichy-sous-Bois, dont l’ensemble des quartiers de résidence ont fait l’objet d’un projet de rénovation urbaine, le pourcentage avoisine 70%. Les deux terrain de la recherche non concernés sont ceux de Suresnes et Vert Saint-Denis. Rappelons que le LAB de Pantin recrute sur l’ensemble de la ville, la moitié seulement des jeunes de ce groupe habite un quartier prioritaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des jeunes des classes populaires

Une jeunesse extensive ?

L’extension du processus correspondant au temps de la jeunesse est un phénomène déjà ancien, illustrée par celle des bornes statistiques visant à circonscrire une population « jeune ». Les critères traditionnellement utilisés (décohabitation parentale, stabilité professionnelle et autonomie financière) pour décrire un processus linéaire supposaient un « atterrissage » vers un statut d’adulte fondé sur la stabilité (résidentielle, familiale, professionnelle). Aujourd’hui, ce modèle est battu en brèche par l’instabilité et la réversibilité de ces trois attributs du statut d’adulte. (GALLAND 2017).

Jusqu'aux années 1970, ce temps de la jeunesse était limité dans les milieux populaires, caractérisé par des études courtes, une entrée précoce dans l’emploi, et une installation familiale rapide. L’allongement des études, mais également les difficultés d’accès à l’emploi, à l’autonomie financière et à un logement autonome – et ce d’autant plus dans la région parisienne – placent la jeunesse des milieux populaires au centre des réflexions portées sur ce temps de vie.

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Notre corpus est à l’image de cet étirement d’une période longue, marquée par des étapes différentes, elles-mêmes définies par les situations sociales dans lesquelles les individus sont inscrits et par les sociabilités qu’ils développent. L’analyse des entretiens et des ateliers menés au long de la recherche nous permet d’appréhender les différenciations internes opérées par les jeunes eux-mêmes, notamment autour du rapport grands/petits. Au-delà des classes d’âge présentées ici, ce qui se joue relève moins d’âges absolus que de rapports sociaux complexes, faisant intervenir les trajectoires individuelles dans et en dehors du quartier.

La classe d’âge des 15-18 ans correspond à 45,5% de notre corpus, les jeunes âgés de 19 à 22 ans à 34,8%. C’est dans cette catégorie que la part des jeunes femmes est la plus importante, (61,5%). Les jeunes âgés de 23 à 34 ans représentent 19,6% de l’ensemble. La majorité d’entre eux ont de 23 à 27 ans, 2 ont 28 et 32 ans.

La méthodologie, participative, de cette recherche, s’est pensée sous la forme d’un travail entre trois catégories d’acteurs : les jeunes, les chercheurs (et étudiants) et les partenaires associatifs. Favorisant la réflexivité de nos démarches, elle nous a permis d’interroger les effets de cette catégorisation à l’œuvre. En effet, parmi les plus âgés des jeunes, certains étudiants, et ou travaillant, se sentaient plus proches des étudiants inclus dans le groupe des chercheurs ou des animateurs. L’expression de cette gêne à être associé au groupe des « jeunes », et qui plus est des jeunes « des quartiers populaires » nous rappelle que la jeunesse est d’abord un rapport social.

Des jeunes pour la plupart issus de l’immigration

Les villes et quartiers populaires composant notre corpus sont pour la plupart des territoires de migration, laquelle a contribué à façonner leur configuration urbaine et sociale.

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En dehors de Vert Saint-Denis et de Suresnes, les 8 autres villes observent des taux de présence de populations immigrées bien supérieures aux moyennes nationale et régionale. A Aubervilliers, Clichy-Sous-Bois et Saint-Denis, la majorité des adultes est immigrée.

Au sein de ces communes, les quartiers spécifiques sur lesquelles s’est déroulée la recherche peuvent recueillir des taux plus importants. Ainsi, pour Villeneuve la Garenne, le pourcentage de personnes immigrées atteint 38% à la Caravelle, principal quartier de résidence des jeunes de la recherche.

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Si la grande majorité (86%), des jeunes de notre corpus sont nés en France, 88% d’entre eux ont au moins un parent immigré. Cette configuration correspond à l’ensemble des jeunes de Clichy-sous-bois, Corbeil-Essonnes, Paris XVIII et Saint-Denis. Parmi les 12 jeunes de parents nés en France, 4 déclarent au moins 1 de leurs grands-parents immigré. C’est également le cas pour 3 des jeunes n’ayant pas fourni d’indication sur l’origine de leurs parents. Par ailleurs, 4 jeunes ont au moins un de leurs parents ayant migré d’un département ou territoire d’outre-mer.

Ainsi, sur les 108 jeunes pour lesquels nous disposons de l’information, 102, soit 92,5%, déclarent qu’au moins un de leurs parents ou grand parent a vécu une expérience de migration.

 

 

 

 

 

 

Des parents employés et ouvriers

Si la désindustrialisation du pays a rappelé le pluriel des classes populaires que la classe ouvrière avait occulté, elle s’est accompagné d’un brouillage des catégories, notamment au sein des segments les plus modestes des employés et ouvriers. (SIBLOT et al 2015, BEROUD & al 2016, DUVOUX, LOMBA 2019),

La plupart des jeunes de notre recherche sont issus de familles appartenant à ces petites classes populaires : ouvriers du bâtiment, petits employés du gardiennage, du nettoyage, du commerce. Les quartiers populaires comprennent cependant une réelle hétérogénéité tant du point de vue des métiers que des statuts, que nous retrouvons dans notre échantillon, avec la présence de familles de classes moyennes ou plus rarement de cadres, de statuts d’emplois différents, l’existence ou non d’une double source de revenus, et une plus ou moins grande précarité.

64,5% des pères sont ouvriers ou employés, et 70% des mères. Rappelons qu’en France, les catégories ouvriers/employés représentent 47% des emplois occupés. De même qu’au niveau national, on observe dans notre échantillon une répartition genrée entre ces deux catégories : les pères sont plus souvent ouvriers et les mères employées [8].

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Au sein de la catégorie des ouvriers, le domaine d’activité le plus fréquent est celui du bâtiment, que ce soit du premier œuvre (maçon, travail sur les chantiers..) ou du second (électricien, plombier). Les conducteurs sont également bien représentés (chauffeurs bus, routier, livreurs), de même que les métiers du nettoyage.

Les ouvriers saisis sans précision sont parfois décrits ainsi par les jeunes :  « ouvrier retraité » « ouvrier SNECMA ». On retrouvera également dans cette catégorie les ouvriers en logistique ainsi que les ouvriers de l’assainissement des déchets (2 éboueurs). Parmi les employés, les agents de sécurité sont le plus souvent cités, de même que les métiers d’accueil et de gardiens (d’immeubles).

Les professions intermédiaires représentées correspondent essentiellement aux fonctions intermédiaires des entreprises. Enfin, signalons la part non négligeable que représente la catégorie des commerçants/artisans/chefs d’entreprise, qui nous rappelle que la diversité des classes populaires ne se réduit pas à celle du salariat.

 

En ce qui concerne les mères, 3 profils se dégagent. Parmi la catégorie, majoritaire, des employées (67,7%), 20 femmes travaillent dans le domaine d’activité du ménage. L’ensemble des activités citées liées au « care » (de aide-soignante à auxiliaire de vie) représente également une proportion importante (20 personnes). Enfin, 18 mères sont décrites « sans » profession. Si la majorité sont au foyer, signalons que 4 d’entre elles sont handicapées ou en longue maladie.

10,5% des mères pour lesquelles nous disposons de l’information font partie des professions intermédiaires. Très peu sont cadres ou indépendantes.

Le croisement des CSP regroupés des pères et des mères nous permet de saisir les configurations familiales de manière plus synthétique. Si l’importance de l’emploi des femmes au sein des milieux populaire est maintenant acquise, il nous semble que c’est à l’articulation des situations professionnelles des deux parents que nous appréhendons le mieux la réalité des différentes configurations familiales, mais également la grande diversité des dynamiques sociales à l’œuvre. (BAUDELOT ESTABLET 2005, CAYOUETTE-REMBLIERE 2015),

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Répartition des jeunes selon la PCS des pères et des mères [9]
Lecture : 29 jeunes ont un père ouvrier et une mère employée. Parmi les 40 ayant un père ouvrier, 2 ont une mère exerçant une profession intermédiaire, 29 une mère employée, et 7 une mère sans profession.

Le premier enseignement qui se dégage de ce tableau est bien l’ancrage des familles au sein des classes populaires. En effet, si 16% des pères font partie des catégories intermédiaires, seuls 3 d’entre eux ont une conjointe cadre ou profession intermédiaire. La plupart des mères sont employées ou sans profession.

Une seconde lecture renvoie à la grande hétérogénéité des situation, de la précarité des mères seules à la stabilité des « petits moyens » (CARTIER et Al. 2008). Nous avons regroupé ces différentes situations en 4 configurations.

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La première configuration regroupe l’ensemble des pères cadres et professions intermédiaires et l’ensemble des mères, quelle que soit leur PCS. La seconde circonscrit l’environnement des indépendants, pères et mères. La troisième concerne les parents bi-actifs ouvriers/employés, catégorie la plus importante. La quatrième rend compte de la configuration des pères employés ouvriers et des mères inactives. La catégorie autre regroupe l’ensemble des NR aux deux variables ainsi que les non-réponses à la situation des pères.

Au-delà de ce croisement des situations professionnelles des parents, les histoires familiales recueillies au cours des entretiens laissent entrevoir une grande vulnérabilité sur le plan de la santé des noyaux familiaux: de nombreux jeunes ont au moins l’un de leurs deux parents ou l’un de leurs frères ou sœurs décédé, malade chronique ou en situation de handicap, cette fragilité sanitaire représentant un trait spécifique des classes populaires, liée aux conditions de vie et de travail.

 

Une cohabitation familiale majoritaire

La quasi-totalité des jeunes vivent toujours au sein de leur famille (97%). Cela ne signifie pas qu’ils vivent avec leurs parents, qui plus est leurs deux parents. Nombre d’entre eux vivent avec leur père ou le plus souvent leur mère (parents séparés, situation de plusieurs épouses, parent décédé…). Ils peuvent également vivre avec des frères ou sœurs plus âgés.

Même si l’ensemble de la famille n’est pas réunie sous le même toit, cette cohabitation s’effectue au sein de fratries souvent nombreuses. 95% des jeunes ont grandi dans des fratries de plus de 3 enfants. La moyenne des fratries s’élève à près de 5 enfants (4,7). Dans les entretiens, la décohabitation est le plus souvent projetée avec l’avènement de la mise en couple. Les deux 2 jeunes filles de notre échantillon habitant un logement autonome vivent en couple (dont 1 a un enfant). Nous l’avons vu supra, les familles vivent à plus des ¾ dans un parc de logement social. Cette proportion renvoie aux caractéristiques des quartiers initialement choisis. En effet, une partie d’entre eux sont quasiment exclusivement composés de logement social. Parmi les 17 familles propriétaires de leur logement, 11 habitent sur la commune de Vert-Saint-Denis (cf.partie 2).

15 jeunes possèdent une voiture, (8 filles et 7 garçons). 8 d’entre eux sont étudiants, les autres en emploi ou recherche d’emploi.

Trajectoires de scolarité et d’emploi

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Plus des 2/3 des jeunes (67,3%) sont lycéen·ne·s ou étudiant·es. Les jeunes actifs sont également répartis entre ceux qui travaillent et ceux qui recherchent un emploi.

On ne dénote pas de grandes disparités entre garçons et filles. Ces dernières sont moins souvent en recherche d’emploi.

Parmi les 13 lycéen·ne·s pour lesquels nous disposons de l’information, 6 suivent une filière générale, 6 une filière technologique et 1 une filière professionnelle.

 

 

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15 des 24 jeunes pour lesquels nous disposons de l’information sont étudiant.es à l’université et 8 étudient en IUT ou au lycée (STS).

Si les parcours scolaires peuvent être parfois parsemés d’écueils et de changements d’orientation, la poursuite d’études supérieures est désormais intégrée par les familles de milieux populaires (TRUONG 2015) certain.es jeunes persévèrent et 5 étudiants de notre corpus sont en master 1ou 2.

De nombreux étudiants de milieux populaires financent leurs études en travaillant. Au sein de notre échantillon, 5 étaient également en situation d’emploi au moment de l’entretien.

 

 

 

 

 

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Parmi les jeunes sortis du système scolaire, plus de la moitié ont atteint le niveau BAC, très peu ont quitté le lycée en cours de scolarité. Parmi les 8 titulaires d’un CAP/BEP, 6 sont à la recherche d’un emploi.

La distinction opérée ici entre les jeunes en emploi et en recherche d’emploi est quelque peu artificielle puisque pour la plupart d’entre eux, les emplois occupés le sont sous des statuts précaires.

Sur les 18 jeunes pour lesquels nous sommes renseignés sur le statut de leur emploi, 11 sont en contrat à durée déterminée ou en intérim. 3 seulement sont en CDI et 4 en service civique. On peut remarquer la présence des chauffeurs livreurs et autre coursiers sur plate forme, qui ne précisent pas s’ils se sont déclarés en auto-entrepreneurs.

Le rapport entretenu par les jeunes avec ces emplois sont différents et évoluent. Les domaines d’activité cités peuvent à la fois relever des « petits boulots » (surveillant cantine, coursier, baby sitting…) ou de parcours professionnels plus stables. Ainsi, exercer la fonction d’animateur peut relever d’une activité ponctuelle ou plus pérenne, bénéficiant d’un statut stable.

 

 

Pratiques religieuses

Cette variable n’était pas présente dans celles définies a priori pour établir ce portrait d’ensemble des jeunes de la recherche. La lecture des entretiens nous a conduit.e.s cependant à introduire cette dimension dans le tableau caractérisant notre échantillon, car largement présente chez les jeunes. L’actualité du lien entre jeunes et pratiques religieuses n’est pas nouvelle. Dès 1999, l’enquête européenne sur les valeurs [10] montre la fin de la tendance au déclin de la religion chez les jeunes.

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Sur l’ensemble des jeunes s’étant exprimé sur la question, seuls 10% ne se déclarent pas proches d’une religion. La religion musulmane est la plus citée, par plus de 75% des jeunes. Le plus souvent pratiquée dès le plus jeune âge au sein de la famille, elle n’en demeure pas moins réinterrogée et plus ou moins investie selon les individus. Participant aux différentes étapes de la construction de soi, la pratique religieuse peut être fluctuante pour le même individu. Pour les filles, la question du voile se pose pour la plupart, même si la réponse en est le plus souvent reportée à un horizon futur, associé au statut d’adulte. Sur les 45 jeunes filles musulmanes de notre échantillon, 8 portent le voile [11].

Les 10 groupes

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Nous aborderons dans ce chapitre les caractéristiques des 10 groupes constituant le corpus global.

Les quartiers concernés et le public touché par le partenaire pour chaque ville va spécifier peu ou prou ce profil général. Nous proposons ici de présenter le contexte de la constitution des groupes et de relever ce qui le distingue ou le rapproche des caractéristiques moyennes de l’ensemble du corpus [12].

 

 

Aubervilliers 

Plus de la moitié des 11 jeunes du groupe d’Aubervilliers habite La Maladrerie, quartier d’habitat social (QPV) composé de plus de 1000 logements, réalisés par l’architecte Renée Gailloustet et livrés au début des années 1980. La constitution du groupe a bénéficié du contact local du chargé de mission jeunesse insertion emploi de la Ville d’Aubervilliers et surtout de celui d’une lycéenne dont la sœur avait participé à une recherche précédente MapColab [13], à laquelle la recherche POPPART faisait suite. Elle a ainsi mobilisé autour d’elle de « bons élèves ».

8 filles et 3 garçons composent le groupe, plutôt homogène. Ils sont tous lycéens au moment des ateliers. Seuls, 2 d’entre eux ont des parents nés en France. La taille moyenne des fratries de ce groupe s’élève à plus de 5 enfants par famille (5,5). 5 jeunes font partie de familles dont les parents sont ouvriers/employés (configuration 3).

Clichy-sous-Bois 

Le groupe de Clichy-sous-Bois a été composé avec le soutien du collectif ACLEFEU créé au moment des révoltes sociales de 2005 qui ont démarré à Clichy-sous-Bois. Les 13 jeunes le composant sont proches de cette association, certains y sont bénévoles, la mère d’une des jeunes filles y travaille. Ces jeunes ne viennent pas tous du même quartier, et il est difficile de savoir réellement lesquels sont inscrits en QPV. Ils le sont ou l’ont été sans doute, les projets de rénovation urbain ayant été très importants dans cette ville. Beaucoup de jeunes parlent ainsi des déménagements qu’ils ont connus.

Ce groupe est composé de 7 filles et 6 garçons. La classe d’âge majoritaire (9) est celle des 19-22 ans. La majorité sont étudiants (9) et 3 se déclarent en emploi. En outre, 3 étudiants sont également animateurs. Les jeunes ont tous au moins un de leur parent immigré et 11 leurs deux parents. Les pères ont des statuts professionnels assez diversifiés : 3 sont ouvriers, 3 techniciens ou cadre de proximité 3 artisans ou commerçant et 2 sont employés. Les mères sont majoritairement employées.

Corbeil-Essonnes

Les 12 jeunes de Corbeil-Essonnes habitent pratiquement tous le quartier d’habitat social (QPV) des Tarterêts, composé de 2612 logements. La constitution du groupe a été permise par l’intermédiaire de Lamence Madzou un ancien du quartier. Les jeunes du groupes (9 filles et 3 garçons) sont tous âgés de 19 à 23 ans. La plupart sont en recherche d’emploi (et notamment les 3 garçons), une seule est étudiante (1er année de BTS) et 3 occupent un emploi en CDD. Tous les jeunes sont issus de familles dont les deux parents sont immigrés. Les pères pour lesquelles nous disposons de l’information sont ouvriers ( +1 commerçant et un agent de sécurité). Beaucoup d’entre eux sont retraités ou en longue maladie. Les mères sont majoritairement sans profession ( 2 femmes de ménage). La configuration 1 est absente alors que 9 font partie des catégories 4 (mères au foyers) et 5. (autres/non renseignés) La moyenne des fratries est la plus importante avec 6 enfants par famille.

Nanterre 

Le groupe de Nanterre a été constitué dans le quartier du Petit Nanterre (8829 habitants en 2014) quartier d’habitat social (QPV), un des plus populaires de la ville.

L’association de loisirs Zy’va, le Théâtre du bout du monde et le club de prévention Gao ont été les relais locaux ayant permis la constitution du groupe. Si celui-ci promettait d’être nombreux et très diversifié au premier atelier (15 jeunes), certains sont partis en cours, notamment des jeunes de l’association de prévention. Le groupe s’est ainsi resserré et 9 (5 filles 4 garçons) ont participé à l’ensemble du travail jusqu’aux entretiens. Ils sont âgés de 15 à 21 ans au moment des ateliers et sont pour la majorité lycéens (2 jeunes femmes en service civique dans l’association Zy’va et un jeune homme en recherche d’emploi). Dans ce groupe, seul, 1 jeune n’a aucun de ses parents immigrés. Pour beaucoup, la migration de la famille est ancienne : 8 ont au moins un de leur grand parent immigré et 6 ont un seul parent migrant. On retrouve ici une majorité de pères ouvriers (1 architecte) et de mères employées. 5 jeunes sur 9 ont ainsi leurs deux parents ouvriers ou employés (configuration 3).

Pantin 

Avec Aubervilliers, Pantin était l’un des deux terrains de la recherche Map colab précédent POPPART. Le Lab’, structure municipale d’accompagnement de la jeunesse à Pantin a été l’intermédiaire local pour la constitution du groupe, avec son « comité jeunes ». Les jeunes y sont quasiment tous des jeunes assidus de la structure. Ils habitent principalement dans 2 quartiers : le centre ville (incluant Eglise de Pantin) (5) et les 4 chemins (quartier QPV). 8 garçons et 5 filles, âgés de 18 à 23 ans, composent ce groupe.

8 d’entre eux sont étudiants, 3 autres encore lycéens. Deux étudiants sont de niveau master 2. Si leurs deux parents sont la plupart du temps immigrés (10), ils vivent dans des fratries un peu moins nombreuses qu’en moyenne (4). Les pères se répartissent entre commerçants, ouvriers et techniciens/ cadres de proximité. La plupart des mères travaillent (10/13).

Paris XVIII 

Au sein du XVIIIème arrondissement de Paris, les principaux quartiers de résidence des jeunes sont la Goutte d’Or et la Chapelle (QPV). La composition du groupe a été permise par l’association d’animation Espoir 18 et les animateurs de plusieurs équipements de l’association. Aussi, les jeunes du groupe sont-ils proches des animateurs et des structures initiales. 7 filles et 4 garçons composent ce groupe parisien. Ils sont tous âgés de 18 et 19 ans. En dépit de leur proximité en âge, le groupe se caractérise par une grande diversité de situations : Si 6 sont toujours au lycée (4 en terminale et 2 en BTS), deux sont en recherche d’emploi, 2 se déclarent sans activité et 1 travaille. La quasi-totalité des jeunes ont leurs deux parents migrants. Nous avons recueilli peu de renseignements sur la situation professionnelle des parents de ces jeunes, essentiellement ouvriers ou employés non qualifiés : (BTP, éboueurs, aide personnes âgées). Ainsi, les configurations 1 et 2 sont absentes et 6 jeunes sont dans la configuration 5.

Saint-Denis 

A Saint-Denis, les 10 jeunes habitent pratiquement tous le quartier Basilique, quartier d’habitat social (nouvellement inscrit QPV) de 1200 logements, situé dans le centre-ville. La composition du groupe (8 garçons et 2 filles) s’est effectuée par l’intermédiaire de l’association AJSON fondée par un animateur d’espace jeunesse municipal du quartier. Les jeunes sont ainsi le plus souvent d’anciens adolescents de l’équipement restés en contact. Ils se connaissent tous. Ce groupe est le plus hétérogène par l’âge (de 17 à 32 ans). Les 3 plus jeunes sont lycéens au moment des ateliers, 1 seul est étudiant (BTS). Les 6 autres oscillent entre emploi en CDD ou en intérim et recherche d’emploi. Leurs parents sont pratiquement tous immigrés. Ils et elles travaillent pour la plupart, 3 pères seulement sont ouvriers, 3 sont commerçant/restaurateurs et 2 sont cadres et 1 est technicien. Les mères sont principalement employées.

Suresnes

Les deux principaux quartiers de résidence du groupe de Suresnes sont le centre-ville et le quartier du Chêne. S’ils ne sont pas en QPV, ces quartiers comportent des logements sociaux, ce qui correspond au statut résidentiel de la quasi-totalité des familles. Le groupe est composé de 12 Jeunes, de 17 à 27 ans, 4 filles et 8 garçons. Deux principaux sous-groupes peuvent être identifiés : les jeunes fréquentant l’espace jeunes de Suresnes, habitant le centre-ville, et des jeunes plus âgés, faisant partie de l’association Collectif des chênes, engagés localement. Pour l’ensemble, 5 sont étudiants, 3 sont en emploi (dont 2 en CDI) et 2 sont stagiaires de la formation professionnelle. Qu’ils se déclarent principalement étudiants, stagiaires ou en emploi, 5 exercent la fonction d’animateur. Si 8 d’entre ont au moins 1 de leur parent immigré, 4 ont leur deux parents nés en France. La majorité des jeunes sont issus de familles dont les 2 parents travaillent, les pères ouvriers ou employés et les mères employées (métiers du « care » ou femmes de ménage). 2 mères sont puéricultrice et infirmière. 4 jeunes sont dans la configuration n° 1 et 6 dans la configuration n°3.

Vert Saint-Denis

La commune de Vert-Saint-Denis se distingue des autres villes de notre corpus par sa taille (7490 habitants) et sa situation géographique. Située en Seine-et-Marne (77), en grande couronne parisienne, c’est la plus éloignée de Paris. Le service jeunesse de la ville a été le partenaire des chercheurs pour la constitution du groupe : jeunes assidus aux activités du service, ouvrant sur un autre cercle, celui du club de foot féminin de la ville. 13 jeunes composent ce groupe, 7 filles et 6 garçons. Ils sont âgés de 17 à 22 ans et sont tous lycéens ou étudiants (2 en master 1 et 2). Les ¾ des jeunes ont au moins un parent immigré. Les parents sont quasiment tous propriétaires d’un pavillon. Dans ce groupe, les deux parents travaillent. Les pères employés (5) sont légèrement plus nombreux que les ouvriers (4), essentiellement dans le domaine de la sécurité (4). 3 sont également technicien ou cadre de proximité. Les mères sont principalement employées (11). Elles travaillent pour la plupart dans des grands groupes (Orange, Opel, agence bancaire) ou dans la fonction publique ou assimilée (Bailleur social, Conseil Départemental, CCAS), attestant d’une certaine stabilité de l’emploi. 3 jeunes sont dans la 1ere configuration et 9 dans la 3eme.

Villeneuve la Garenne

La caravelle est le principal quartier de résidence des jeunes de Villeneuve la Garenne. Quartier prioritaire de longue date, il comprend 1600 logements. Ce groupe a été constitué essentiellement par l’intermédiaire des réseaux familiaux et amicaux de deux professionnelles du PoleS, entreprise d’insertion, partenaire local de la recherche. Il se caractérise par sa jeunesse : parmi les 7 jeunes (4 garçons et 3 filles) ayant réalisé un entretien, 6 sont âgés de 15 à 18 ans. Ils sont lycéens, voire collégiens pour 2 d’entre eux. Le septième membre du groupe, âgé de 28 ans, est en recherche d’emploi. Les familles de ces jeunes habitent toutes en logement social. L’ensemble des parents sont immigrés. C’est également le cas d’un des grands parents pour 5 jeunes. Nous ne connaissons la situation professionnelle des parents de seulement la moitié des jeunes. 2 pères sont ouvriers, 1 technicien. 3 mères sont employées.

 

Références bibliographiques

Baudelot, C. & Establet, R. (2005). 5. Classes en tous genres. Dans : Margaret Maruani éd., Femmes, genre et sociétés: L'état des savoirs (pp. 38-47). Paris: La Découverte.

Béroud S ; Bouffartigue P ; Eckert H, Merklen D, En quête des classes populaires. Un essai politique, Paris, La Dispute, 2016.

Cartier, M., Coutant, I., Siblot, Y., Masclet, O. (2008). La France des « petits-moyens »: Enquête sur la banlieue pavillonnaire. Paris: La Découverte.

Cayouette-Remblière, Joanie. « De l’hétérogénéité des classes populaires (et de ce que l’on peut en faire) », Sociologie, vol. 6, num. 4, 2015, pp. 377-400.

Duvoux N., Lomba C., Où va la France populaire ? La vie des idées, PUF 2019

Galland, Olivier. Sociologie de la jeunesse. 5ème édition. Armand Colin, 2011

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Notes

1 Aubervilliers, Clichy-Sous-Bois, Corbeil-Essonnes, Nanterre, Pantin, Paris XVIII, Saint-Denis, Suresnes, Vert Saint-Denis et Villeneuve la Garenne

2 Les informations individuelles ont été recueillies lors de l’entretien individuel, et saisies dans un fichier commun.

3 Cf site http://poppartrechercheparticipative.com

4 Pour les caractéristiques plus précises des 1O villes, se reporter aux monographies

5 Les données ont été saisies à partir d’entretiens semi-directifs. Les statuts d’occupation ne sont pas toujours connus des jeunes, l’information a pu être renseignée à postériori en fonction des indications fournies par les jeunes (j’habite au-dessus de l’espace jeunesse). Il a été impossible de retrouver cette information pour Clichy sous bois. La quasi-totalité des quartiers de résidence des jeunes ont été touchés par un projet de rénovation urbaine qui a restructuré massivement le quartier. Il est difficile aujourd’hui de différencier avec la seule indication du positionnement dans le quartier si le logement relève du parc social ou privé.

6 La grande majorité des jeunes vivent en effet au sein de leur famille, cf infra.

7 https://sig.ville.gouv.fr/page/198/les-quartiers-prioritaires-de-la-politique-de-la-ville-2014-2020

8 Nous travaillons ici sur l’ensemble des emplois occupés ou ayant été occupés, regroupant ainsi des situations réelles très différentes (retraités, chômeurs, invalidité etc…) Il s’agit bien ici de comprendre les milieux socioprofessionnels des familles.

9 Pour plus de lisibilité, les 2 mères ouvrières ont été intégrées au groupe des employées. Elles font partie d’un ménage dont l’homme est également ouvrier. 

10 Enquêtes EVS European Values Surveys

11 Voir la notice religion

12 Pour approfondir le contexte de chaque territoire voir la présentation des quartiers

13 voir http://mapcollab.org/ et Mon quartier, notre ville, regards transatlantiques, Mapcollab (projet collectif), Delbusso éditeur, Montréal, 2018.