Les quartiers

Aubervilliers : la Maladrerie

Aubervilliers est une commune de Seine-Saint-Denis située au nord de Paris. Reliée à la capitale par le métro, la ville est bordée à l’Est par Pantin, à l’Ouest par Saint-Denis et au Nord par La Courneuve. En dépit de sa proximité avec Paris, cette ancienne ville industrielle est demeurée très populaire. Les ouvriers et employés y sont fortement représentés, tandis que près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Cet ancien bastion historique du communisme municipal se caractérise aussi par son cosmopolitisme. Un habitant sur trois est de nationalité étrangère, avec une grande diversité d’origines, que les jeunes qui ont participé à la recherche envisagent comme un moyen privilégié de « connaître différentes cultures : africaine, Algérie, on a de tout en fait. Ce n’est pas les maghrébins d’un côté, les noirs d’un côté : comme on est tous amis, ils sont cassés en fait les préjugés ». [Les citations sont extraites des ateliers collectifs ou des entretiens réalisés avec les 120 jeunes ayant participé au projet Pop-Part entre 2017 et 2021. Elles ont été anonymisées.]

Rénovation urbaine


Les opérations de résorption de l’habitat insalubre, puis de rénovation urbaine qui se sont succédées depuis les années 1950 dessinent un paysage urbain hétérogène : « il ne faut pas se mentir : l’environnement, la qualité de vie et la sécurité, ce n’est pas les points forts de la ville. Aubervilliers c’est une ville de béton. » Mais ce patrimoine n’en est pas moins vanté par d’autres jeunes pour son « design », son « attractivité », voire sa « beauté », lors de l’atelier sur les mots de la ville. Le logement collectif (en majorité locatif) représente 90% du parc de la ville et la quasi-totalité des jeunes qui ont participé aux ateliers habitent un logement social, dont une majorité dans le quartier Maladrerie/ Émile Dubois. Ce quartier est composé de la cité Émile Dubois ou des 800 logements, opération livrée en 1957 qui a longtemps représenté un symbole dans la ville. Un processus de dégradation physique et d’appauvrissement s’est amorcé dans les années 1970 et la cité a fait l’objet au début des années 1980 du premier projet de réhabilitation engagé dans la ville accompagné d’une démarche de participation.

La Maladrerie, plus de 1000 logements réalisés par l’architecte Renée Gailloustet, a été livrée plus tardivement (au début des années 1980). Avec son architecture originale triangulée, ses logements agrémentés de terrasses plantées, des espaces piétons paysagers, elle a dans un premier temps représenté le fer de lance de la politique de modernité architecturale de la municipalité et le parc social le plus valorisé de la ville, accueillant artistes et classes moyennes. Mais elle fait face aujourd’hui à un ensemble de problèmes sociaux, dont le trafic de cannabis.

La Maladrerie

Du point de vue socio-démographique, le quartier Maladrerie/ Émile Dubois accentue certaines spécificités d’Aubervilliers : une présence encore plus faible des cadres et professions intellectuelles et des diplômés du supérieur, une proportion encore plus importante des familles monoparentales, un taux de bas revenus plus important. En dépit de ces difficultés et d’autres traits négatifs qui ont été mis en avant par les jeunes dans les ateliers (comme la saleté, le bruit, une forte présence policière, un trafic de drogues persistant), ces derniers envisagent leur quartier comme un espace de convivialité et de partage : « à chaque fois qu’on se voit dans les rues, tout le monde se dit “bonjour, comment ça va” » explique l’un d’entre eux. Un autre explique que « lorsqu’on manque de quelque chose, tu as toujours un ami, les gens vont toujours t’aider à l’obtenir, ils partagent ».

Ce quartier d’habitat social est visé depuis plusieurs années par des opérations de rénovation urbaine d’envergure. Une étude confiée en 2011 à un cabinet d'architectes prévoit ainsi la réhabilitation de 715 logements du secteur Émile-Dubois et de 789 pour la Maladrerie. La municipalité envisage aussi la démolition-reconstruction de plusieurs bâtiments, le traitement des parkings en pied d'immeuble et la création de nouveaux équipements publics (« pôle culturel et citoyen », structure dédiée à la petite enfance, école). Au-delà de ces quartiers d’habitat social, le reste de la ville est aussi en pleine transformation : construction du campus Condorcet dans le sud de la commune, requalification du centre-ville, prolongement de la ligne 12 du métro et création d’un éco-quartier de 36 hectares destiné à accueillir 1.800 nouveaux logements. Pour les jeunes, ces opérations apparaissent à la fois comme un moyen pour améliorer la qualité de vie des habitants et comme un levier de transformation de la sociologie du quartier et/ou de la ville. Ainsi, pour l’une d’entre elles « les travaux c’est pas pour les gens d’Aubervilliers, c’est plutôt pour créer une gentrification. Et nous, où on va aller ? ».