Corbeil-Essonnes : les Tarterêts
À une trentaine de kilomètres au sud de Paris, dans le département de l’Essonne (91), Corbeil-Essonnes regroupe près de 50 000 habitants. Le quartier des Tarterêts se situe au nord-est de la ville, à 10 minutes à pied de la gare du RER D. 12% des habitants de la commune de Corbeil-Essonnes y habitent.
Un quartier populaire particulièrement jeune et marqué par la précarité de l’emploi
[Données INSEE recensement 2014 de la population, Données Emploi 2020 pour le chômage dans les quartiers en Politique de la ville / 2014 à l’IRIS pour les Tarterêts (4 IRIS) et Corbeil-Essonnes.]
La population qui habite aux Tarterêts se caractérise par sa jeunesse (44% de moins de 25 ans), la place des familles nombreuses, et les difficultés économiques. Le quartier accueille 25% de ménages composés d'au moins cinq personnes. À l’échelle du quartier en politique de la ville des Tarterêts, seulement la moitié des habitants âgés de 15 à 64 ans détiennent un emploi. Moins de femmes occupent un emploi (44%) que d’hommes (58%), et une fois sur quatre il s’agit d’un emploi précaire (soit un emploi jeune, soit un contrat aidé). Les ouvriers représentent 33% de la population active aux Tarterêts, contre 9% en Île-de-France. Plus de la moitié des habitants des Tarterêts ont des revenus inférieurs au seuil de 60% du niveau de vie médian métropolitain, alors que cette proportion est de 16% à l’échelle de la région Ile-de-France. Le taux de personnes âgées de plus de 15 ans sans diplômes ou avec le brevet de collèges est important aux Tarterêts (40%) (contre 26% en Ile-de-France). Les poursuites d’études sont relativement rares dans le quartier : 14% des habitants des Tarterêts sont titulaires d'un diplôme du supérieur, contre 26% pour Corbeil-Essonnes et 40% à l’échelle de l'Ile-de-France.
Les Tarterêts, en rénovation urbaine depuis les années 1980
Les logements des Tarterêts ont été construits entre 1961 et 1977. Dès 1983, le quartier est intégré à la politique de la ville, dans la procédure « îlot sensible » qui prévoit déjà des réhabilitations et rénovations. Au total, 750 logements sociaux sur les 2 500 ont été démolis. Suite aux différentes opérations de rénovation, les locataires de logements sociaux sont concentrés dans la partie centrale du quartier. La démolition de certaines tours « emblématiques » comme la Tour Rouge est un événement majeur qui a bouleversé nombre d’entre eux tant cette tour était un repère et symbolisait le quartier. « Moi j’aimais bien comment c’était le quartier, genre les tours, les grandes tours. [...] Celle qu’ils ont détruites, moi j’ai pas aimé, la Tour rouge-là, l’emblématique, j’ai pas aimé [qu’ils la détruisent]. » Si certains pensent que les transformations ont pu améliorer le quartier, ils s’accordent sur le fait que les nouvelles constructions, comme la « Villa Paloma », ne sont pas « pour eux ». Les anciennes et nouvelles populations évoluent alors en vase clos : « Concrètement elles, ils vivent entre eux. Donc, nous on ne les, on ne leur a jamais parlé, en tout cas pour ma part et pour ceux que je connais, on ne leur a jamais parlé, ils sont dans leur bulle. On ne les a même jamais vus j’crois, franchement ils sont dans leur coin. » L’autre conséquence des rénovations urbaines est que de nombreuses familles ont subi des relogements forcés. Si la plupart souhaite rester, ils n’ont souvent pas eu le choix et ont été obligés de quitter le quartier auquel ils sont très attachés voire même la ville, pour déménager dans la ville voisine d’Evry : « Mes copines d’Évry, elles disent que je suis tout le temps là-bas [aux Tarterêts] et que je ne suis jamais à Évry. C’est normal, j’ai grandi ici. J’ai encore toutes mes copines. » « On nous a proposé ici [aux Tarterêts] et à Montconseil mais ma mère, elle ne voulait pas partir, elle a dit : on va là. Elle connaît… on a grandi ici. Elle, elle était là… parce que j’ai des grands frères et des grandes sœurs qui sont plus âgés que moi donc ça fait au moins 40 ans qu’ils sont ici. Ils ont des liens avec des gens, ils ne voulaient pas partir. »
Entre stigmates et ressources : « le quartier, c’est la famille »
Le nom des Tarterêts est médiatisé dans les journaux locaux et nationaux depuis les années 1990. Les articles recensent de nombreux problèmes de trafics, des affrontements entre des « bandes » de jeunes habitants, notamment avec les quartiers des Pyramides (Évry) et de Montconseil (Corbeil-Essonnes) situés à proximité, ainsi que des affrontements avec la police. Le quartier est aussi connu sur la scène musicale, le groupe de rap PNL ayant un succès à l’échelle nationale.
Loin du stigmate qui pèse sur ses habitant·es, les Tarterêts sont vécus comme un quartier où « tout le monde s’entend bien ». « Quartier » et « famille » s’entremêlent étroitement pour ne faire parfois qu’un, la convivialité, la solidarité et l’entraide apparaissant alors comme des ressources centrales dans l’expérience quotidienne des habitant·es et donc des jeunes. « On a tellement grandi ensemble qu’on se connaît tous par cœur en fait, on… [...] on est toujours restés ensemble sans, y en a pas un qui nous a tourné le dos ou quoi et donc du coup, j’crois que ça a renforcé nos liens et encore plus parce que demain, la maman d’une copine ou d’un ami en difficulté bah on va aller l’aider, même avec la maman on n’a pas forcément de lien ou autre, bah on va quand même aller l’aider, euh j’sais pas, enfin c’est… pour nous c’est normal, parce que pour d’autres c’est un truc de fou d’aller aider quelqu’un qu’on ne connaît pas, ça a toujours été comme ça et… j’pense pas que ça changera en tout cas. [...] Franchement, en fait on a tellement vécu, on va dire de galères ensemble etc., en fait on est tous dans la même classe sociale, on est tous, on vit tous à peu près pareil donc, y a pas de discriminations de dire “oh toi t’es plus pauvre que moi donc j’te parle pas” ou “toi t’es plus riche que moi” etc. donc j’sais pas, on est tous au même niveau. »