Les quartiers

Nanterre : le Petit-Nanterre

Le Petit-Nanterre, qui compte près de 9000 habitants, est l’un des quartiers les plus populaires de la ville de Nanterre. Il jouxte la ville de Colombes et l’Université de Nanterre. Il est séparé du reste de la ville de Nanterre par de multiples coupures urbaines : l’autoroute A86, la Seine, des voies de chemin de fer et une zone industrielle.

Un quartier emblématique de Nanterre et de l’histoire des banlieues et du logement social français

À partir du début du XXe siècle, l’histoire du Petit-Nanterre est étroitement liée à l’histoire industrielle de la ville. Avec l’arrivée du chemin de fer, plusieurs usines s’installent le long des voies ferrées. Commence alors une période de construction massive de logements, destinées à loger les ouvriers de ces usines puis à reloger les populations installées dans les bidonvilles. Les multiples générations de lotissements ouvriers et de logements sociaux sont toujours visibles au sein du quartier. 

Au début des années 1930, des HBM sont construits à la limite du Petit Nanterre. Dans les années 1950, une cité « Castors » est édifiée, au nord de l’avenue de la République  [On peut trouver dans Le Parisien en 2013 un article commémoratif « 38 appartements répartis sur 6 bâtiments de deux étages, ainsi que 12 pavillons jumelés”, « Les Castors ont fêté leur 60 ans »] . Dans le même temps, les premiers bidonvilles se développent et, dès la fin des années 1950, deux cités de transit sont construites : la cité des Potagers (par la Sonacotra en 1961) et la cité des Marguerites (édifiée en 1956, démolie en 1997). Aux côtés de ces cités, des petits pavillons sortent de terre : certains propriétaires expliquent avoir acheté ou construit ici parce qu’ils ne pouvaient pas le faire ailleurs, ou encore parce qu’on leur avait dit que la cité de transit était provisoire et serait là pour dix années au maximum [un reportage vidéo  Les Potagers est disponible sur le site de l'agence IM’média]. 

Les deux grands ensembles d’HLM qui marquent toujours l’identité du quartier sont inaugurés au début des années 1960 : la cité des Canibouts et la cité des Pâquerettes. Au départ, les locataires sont essentiellement des familles métropolitaines et des rapatriés, comme c’est classiquement la norme dans l’attribution des logements à cette époque. Les immeubles coexistent avec les bidonvilles.  

Un quartier populaire aux multiples cités

Aujourd’hui, ces « cités » existent toujours. Les jeunes, qui sont en grande majorité nés dans le quartier, les identifient clairement et indiquent même des sous-espaces dans chacune de ces cités :  « Je suis née aux Potagers et quand j'étais petite j'ai déménagé aux Canibouts », « On dit les Pâquerettes mais dans les Pâquerettes y a plusieurs noms en gros c’est les Pâquerettes mais chaque coin a son nom. Moi mon nom c’est le Gouffre ». 

Les jeunes qui ont participé à la recherche viennent majoritairement des « Canibouts » et des « Pâquerettes », « les Can’s » et les « Paq’s ». Ces deux cités sont composées à plus de 80% de logements sociaux et leurs habitants appartiennent majoritairement aux classes populaires d’un point de vue socio-démographique (taux important de ménages non imposés supérieur à 60%, taux de chômage supérieur à 15%, 39% d’employés et 23% d’ouvriers, plus de 20% de familles monoparentales et près de 10% de familles avec 4 enfants ou plus...). 

Pour les jeunes de la recherche, ce quartier est marqué par la convivialité et la solidarité. Il est décrit comme un lieu d’intégration sociale, une famille, une bande, qui ne pousse pas toujours les jeunes dans les bonnes directions mais auquel ils sont attachés. Certains lieux sont néanmoins à éviter, comme le « ED », devenu un Carrefour et aujourd’hui fermé (« là-bas il y a des mecs qui boivent », « les mecs en train de boire, en train de fumer, sur une moto »), ou certains bâtiments en bas desquels, il y a des « vendeurs », des « groupes de mecs dans les halls qui empêchent les filles de passer » et les intimident (« je suis timide, compressée, j’ai honte devant eux »), des « mecs dangereux ». D’autres, comme le Fond des Pâquerettes, sont au contraires calmes, « sans histoires ». 

Un quartier marqué par la politique de la ville et la rénovation urbaine

Depuis le début des années 1980, le quartier est un laboratoire de la politique de la ville. Il a fait l’objet d’un projet de rénovation urbaine dans le cadre du Programme National pour la Rénovation Urbaine en 2007 et il est classé quartier prioritaire de la politique de la ville (QP092016) depuis la réforme de la politique de la ville de 2014.

Pour les jeunes qui ont participé à la recherche, la rénovation urbaine est perçue de manière ambiguë. En effet, s’ils apprécient les améliorations de l’habitat et des espaces publics, ils notent que ces améliorations ne bénéficient pas à tous, et ont des doutes sur les objectifs véritables du projet de rénovation urbaine. Ils estiment que les constructions neuves ont changé la physionomie du quartier et ont apporté une nouvelle population d’une classe sociale plus aisée, ou perçue comme telle car pouvant se permettre d’habiter dans ces logements. L’espace dévolu aux « gens comme eux » semble à leurs yeux se rétrécir comme peau de chagrin. Les logements sont « trop beaux » et « trop classe » : ils ne sont pas pour eux. Les discours des jeunes à ce propos mettent en évidence la violence symbolique de la rénovation urbaine. Ils critiquent vivement les choix politiques opérés : les constructions neuves, situées en bordure de cité et résidentialisées, servent selon certains de cache-misère pour dissimuler la dégradation de l’intérieur de la cité. Elles servent aussi selon certains à cacher les populations qui habitent dans la cité, parce qu’ils sont arabes et musulmans. « Tout ce qu’on voit nous c’est que, vu que dans quelques années y aura le tramway qui passera devant, on a l’impression qu’ils font des nouveaux bâtiments avec beaucoup de personnes qui ne sont pas musulmans ou autres, qu’ils les mettent devant pour cacher la cité [...]. Y aura les beaux bâtiments devant, et derrière c’est autre chose ».