Paris 18e : la Chapelle, la Goutte d’Or
Quartiers populaires à la centralité métropolitaine « Ici tu peux tout trouver »
La Chapelle et la Goutte d’Or sont deux anciens quartiers de faubourgs parisiens du 18ème arrondissement. Ils sont situés entre les anciens murs des fermiers généraux (actuel boulevard de la Chapelle) et l’enceinte Tiers (le boulevard des Maréchaux/Boulevard Ney) qui sépare Paris des communes limitrophes au Nord : Saint Ouen, Saint Denis et Aubervilliers. Les voies de chemins de fer des gares du Nord et de l’Est traversent les quartiers, et créent des limites, notamment entre le 18ème et le 19ème arrondissements, vécues de manière différentes par les filles et les garçons.
« On préfère vivre à Paris parce qu’il y a tout à côté. Si j’ai besoin d’aller au Macdo à 2h00 du matin, c’est possible. Vous allez à la pharmacie à 04h00 du matin parce qu’il y a une de garde ou H24, c’est possible. » [Les citations sont extraites des ateliers collectifs ou des entretiens réalisés avec les 120 jeunes ayant participé au projet Pop-Part entre 2017 et 2021. Elles ont été anonymisées.] Outre l’accès aux commerces et services de proximité, ces quartiers ont acquis une centralité commerciale à l’échelle de la région parisienne depuis une trentaine d’années. Les gens viennent de toute l’Ile-de-France pour le marché d’Afrique occidentale à la Goutte d’Or, le commerce tamoul dans la rue du faubourg Saint Denis et le rue Pajol, et plus récemment les commerces soudanais des rues Philippe de Girard et rue Pajol.
Quartiers de migrations, « lieu accueillant et mouvementé »
« Ici y a beaucoup de mixité d’origine, il y a de tout ! Et c’est pas comme si c’était la guerre. » Différentes strates de migrations se côtoient dans les espaces urbains depuis plusieurs décennies, générant le sentiment d’une expérience commune en même temps qu’un classement social selon les origines. « Quand on vit dans un quartier comme ça, pour des gens qui ne sont pas français de souche comme nous, pour la plupart, en fait tu ne te sens pas à l’écart. Tu ne te sens pas repoussé. » Les malien·ne·s, les sénégalais·e·s, les guinéen·ne·s, les ivoirien·ne·s ouvrier·es ou employé·es habitant dans le quartier fréquentent les réfugiés d’Afrique sub-saharienne (Soudan, Érythrée) et du Moyen-Orient (Afghanistan) présents depuis le début des années 2010 qui se retrouvent quotidiennement à la Chapelle pour accéder à un réseau de solidarité et aux possibilités d’accès au commerce informel aux côté des algériens. « Autour du métro il y a des gens qui n’habitent pas dans le quartier. Il y a beaucoup de gens qui viennent de l’extérieur. “Malboro ! Malboro !”. Les migrants ils se retrouvent tous à la Chapelle, en fait c’est comme leur foyer là-bas. Ils ont leurs restaurants là-bas. Il ya deux grands restaurants de soudanais, ils se retrouvent tous là-bas, c’est pour eux là-bas. Ici c’est leur quartier. » Le partage des espaces urbains se joue ici au quotidien.
Composition socio-démographique de la Chapelle et la Goutte d’Or : des quartiers populaires au coeur de la capitale
[Données INSEE à l’IRIS, recensement 2014 de la population. Le secteur d’étude est délimité par les IRIS La Chapelle 1, 2 et 3 et Goutte d’Or 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.]
L’analyse de la structure socio-professionnelle de la population permet de montrer le caractère populaire de la population des quartiers étudiés, caractérisés par un nombre important de population ouvrière ou employée, et un faible pourcentage de population cadre et profession intellectuelle supérieure par rapport à la ville de Paris. L’écart le plus important entre les quartiers étudiés et l’ensemble de la ville de Paris porte en effet sur ces deux CSP : 19,9 % de la population du territoire d’étude est composée de cadres et professions intellectuelle supérieures, un pourcentage inférieur de 6 points à l’ensemble de l’arrondissement, et de 14 points par rapport à l’ensemble de la ville de Paris. Concernant la population ouvrière, elle constitue 11,8 % de la population sur le territoire d’étude contre 7,3 % dans le 18e et 5,6 % sur l’ensemble de Paris. Moins importante mais cependant notable, l’écart concernant les employées est de 3 points par rapport à la ville de Paris : 18,7 % d’employés sur le territoire d’étude contre 14,9 % dans le 18e arrondissement et 15,4 % à Paris.
Entre les deux quartiers étudiés, on peut noter que la proportion de cadres et professions intellectuelles
supérieures est plus importante à la Goutte d’Or (20,2%) qu’à La Chapelle (18,7%), une différence qui peut s’expliquer par les différentes phases des politiques de rénovation et requalification urbaine dans ces deux quartiers.
Les effets du renouvellement et la requalification urbaine. « un quartier qui évolue ».
Alors que le quartier de la Goutte d’Or a fait l’objet depuis les années 80 d’importants programmes de renouvellement urbain, basés sur la résorption de l’habitat insalubre, la modification du tissu commercial et la transformation des espaces publics, la transformation du quartier de la Chapelle est plus récente. Toutes deux contribuent à accélérer des processus de gentrification dans la capitale. Depuis les années 2000, les opérations d’amélioration de l’habitat ont été complétées par une importante opération de requalification urbaine, la ZAC Pajol, visant à requalifier d’anciens bâtiments ferroviaires et aménager de nouveaux espaces publics dans un quartier auparavant enclavé. « La Halle Pajol, ce n’était pas fréquentable. C’est-à-dire qu’à 20h du soir, il n’y a personne qui passait. Alors qu’aujourd’hui, ça a évolué. Depuis, c’est plus que fréquentable. » Ces transformations sont vécues de manière ambivalente, à la fois comme positives, permettant d’améliorer l’image d’un quartier stigmatisé, mais elles contribuent également à produire un sentiment de déqualification et de marginalisation, avec l’arrivée de classes moyennes et de touristes qui fréquentent ces nouveaux espaces. La co-présence provoque des conflits d’usage autour des différentes pratiques de l’espace. « L’esplanade on aime parce que c’est convivial, c’est beau et il y a tout le monde. Sur l’esplanade, y’a tout. Il ya les touristes qui viennent parce qu’il y a l’auberge de jeunesse, les bars. Ils ont fait l’esplanade pour les gens de dehors, pas pour les gens qui habitent ici. Ça a été fait pour les gens plus riches que nous, qui ont un bon revenu, un bon travail. C’est pour les touristes, mais pas que. C’est pour les français. »