Les quartiers

Suresnes : cité jardin, centre-ville, cité des chênes

Jeunes de quartiers populaires dnas une ville aisée

Suresnes est une commune de l’Ouest parisien située dans le département des Hauts-de-Seine. Sa position géographique avantageuse aux portes de Paris et sa bonne des­serte en transport attire une population relativement aisée. Cependant, la ville se ca­ractérise par la présence de 30,9% de logements sociaux.

« La population de Suresnes est chaleureuse mais très hétérogène quand même. (…) C’est plutôt dans différents quartiers. Y’a des quartiers qui sont plus populaires et plus actifs et d’autres qui sont beaucoup plus populaires mais actifs, on va dire, beaucoup plus communautaires et d’autres quartiers qui sont un petit peu plus bourgeois, qui sont plus stricts et restreints. Renfermés je dirais. » [Les citations sont extraites des ateliers collectifs ou des entretiens réalisés avec les 120 jeunes ayant participé au projet Pop-Part entre 2017 et 2021. Elles ont été anonymisées.]

Parmi nos trois quartiers d’étude, la Cité des Chênes est certainement le quartier le plus isolé. Toutefois les jeunes du quartier mesurent l’opportunité de vivre dans une ville où ils « sont tirés vers le haut ». « Nous, aux Chênes on n’a pas ce problème parce que quoi qu’on en dise, on vit très bien quand même, on vit assez bien. C’est que moi j’ai fait trois ans (…) à Montreuil et je remercie le bon dieu d’être à Suresnes. J’pense que je ne serais pas la même personne, j’serais pas en face de vous, j’serais pas la même personne si j’avais grandi à Montreuil. Pas du tout. Déjà parce que le système scolaire n’est pas aussi efficient. Ce n’est pas aussi efficace qu’à Suresnes. (…) On a fait notre petit bonhomme de chemin, y’a pas d’problème. Voilà. Ils n’ont pas cette conscience parce que derrière ils voient que leurs grands frères ont fini à Carrefour, tu vois ? Après nous, on n’a pas eu ce problè­me-là parce qu’on a toujours été poussé à Suresnes. »

Communauté, ambiance familiale, interconnaissance à la Cité-jardin

La politique volontaire de production de logement social à Suresnes a débuté dans les années 1919 avec Henri Sellier et la construction de la cité-jardin qui regroupe 87% de logements HLM dans son parc de logements. Située également aux confins de la commune, les habitants de la cité jardin sortent peu de leur quartier et entretiennent cet esprit de « village ». « Et pourquoi ? Parce que c’est un quartier séparé du reste de la ville et dans ce quartier séparé du reste de la ville y’a aussi beaucoup de mélange. Après je connais pas tout le monde non plus, mais moi je sais que quand il faisait pas beau on allait souvent chez les copains. (…) Après ça dépend parce que au tout début de l’entretien je disais que cité-jardin c’est ça qui est génial, c’est que c’est grave hétéro­clite. Ça se voit au niveau des jeunes. Je vais parler en mode cliché, hein : dans cité-jardin, au sein d’une même cour, il va y avoir une fille qui est là, qui va faire des études de psychologie, qui va être à l’université de Nanterre, qui va être trop déter dans sa vie. Et juste à côté va y avoir lui, qui, le 14 juillet va lancer un cocktail Molotov sur une voiture et qui va finir en taule pendant je sais plus combien de temps parce qu’il va se faire choper forcément. Il va y avoir celui qui galère un p’tit peu à l’école etc. mais qui essaie de s’en sortir, qui bosse dans un magasin de vêtements et tout. Ils vont tous avoir le même âge hein. Et finalement dans leur manière de vivre etc… Ils viennent tous de cité-jardin hein, ça c’est le noyau… donc ils ont aussi un peu ce rapport cité, populaire et tout. (…) C’est ça aussi la beauté de cité-jardin, c’est que tout l’monde se connait. Tout le monde va se dire : “Bonjour”, mais les gens ils ont rien à voir, rien à voir. »

Le centre-ville est un lieu de rencontre important pour les jeunes et les habitants de Suresnes de façon plus générale. Ce quartier rassemble tous les services et plusieurs lieux culturels tel que le Capitole (Cinéma de Suresnes), la médiathèque, l’espace je­une. Il fait office de lieu de rencontre pour les habitants de tous les quartiers. « Cette interconnaissance, c’est vraiment dans le centre parce que ça concentre beaucoup de personnes, en fait. Je dis pas que bonjour à des jeunes mais aussi à des parents. »

Les autres quartiers de Suresnes

Lors du premier atelier intitulé « Les mots du quartier », les jeunes ont parlé des quartiers de Suresnes. Les quartiers Plateau Ouest et République sont peu con­nus des jeunes lorsqu’ils n’y habitent pas. Ils ne les fréquentent guère, hormis l’un d’entre eux qui a habité dans le quartier République. Ces quartiers sont considérés comme « riches », avec des « vieux » et les jeunes insistent sur le fait qu’il n’y « a rien à y faire ». La cité-jardin est aussi peu fréquentée par les jeunes. Seul l’un d’entre eux y habite. Les autres ne fréquentent pas le lieu et ont un avis extérieur, « on dirait un petit villa­ge, les gens se connaissent ». Quant au quartier des Chênes, il renvoie une image négative pour des personnes extérieures. Très éloigné de la ville, mal desservi et doté de peu de commerces. Aucun des jeunes n’y habite et personne n’est amené à fréquenter le quartier. « C’est vrai qu’on est cloisonné, entre nous. D’un point de vue extérieur […] je comprends les personnes qui n’ont pas envie de passer par là. » Cependant, un jeune nuance ses propos en prônant un « élan de solidarité qui manque beaucoup et pas seulement dans la ville ». Par contre, il précise tout de même « Vous avez cette nouvelle population qui vient souvent de catégories socio-professionnelles un peu élevées quand même et qui habitent aux Chênes, mais ne vivent pas aux Chênes. »

Le centre-ville est quant à lui habité et fréquenté par beaucoup de jeunes qui ont participé aux ateliers. Pour eux, c’est « la capitale de Suresnes ». Ils y passent énormément de temps et y ont développé des relations amicales. Les lieux de fréquentation sont « la place du Macdo » et l’espace jeune. Nonobstant, ce quartier est décrit comme « monotone » et l’offre de la mairie en matière d’équipement n’est pas toujours en adéquation avec la demande des jeunes.

Les jeunes vivent dans une ville qui s’est transformée depuis leur enfance ; ils expriment d’ailleurs une certaine nostalgie du Suresnes de leur enfance et voient leur ville devenir de plus en plus peuplée par des nouvelles classes moyennes voire supérieures avec notamment la construction de nouveaux immeubles et le déve­loppement de la gare moyennant l’arrivée de la ligne de métro 15 avec le projet Grand Paris. Lors du dernier atelier, les jeunes nous partagent leur prise de cons­cience d’habiter une commune qui s’inscrit dans une partie aisée de la région mais que néanmoins les quartiers des Chênes et de la cité-jardin sont situés aux confins de la commune et sont un peu isolés. Le terme “populaire” renvoie, d’après eux, à une ambiance, à de grandes poches de pauvreté alors que Suresnes n’a pas ce profil. Les logements HLM sont éparpillés dans le tissu urbain de la commune. Les jeunes du centre-ville ne se sentent ni des classes populaires, ni des classes aisées, mais plutôt des classes moyennes.