Les mots

Changement urbain

L’exemple de l’évolution de Pantin et de son image : « le nouveau Brooklyn »

Atelier d'écriture
Extraits

Atelier d'écriture sur les transformations architecturales de la ville de Pantin.

Depuis le milieu des années 2000, la commune de Pantin connaît des transformations urbaines de grande ampleur qui s’inscrivent dans deux dynamiques différentes. Les quartiers situés au Nord du territoire communal — les Courtillières et les Quatre-Chemins — ont été inscrits dans le programme national de rénovation urbaine tandis que les quartiers centraux situés le long du canal de l’Ourcq ont fait l’objet d’une politique active de requalification urbaine et d’un aménagement des berges du canal. Des bâtiments industriels en friche (les Grands Moulins, les Magasins généraux…) ont été réhabilités et reprennent vie, de nouveaux immeubles de bureaux et d’habitation sortent de terre, des entreprises s’installent, des équipements culturels (Centre national de la danse, Théâtre au fil de l’eau) sont implantés, tandis que l’espace public est entièrement revalorisé. Le renouvellement de l’image de la ville est ainsi marqué par une rénovation en profondeur du parc de logements de ce secteur et l’implantation de grandes entreprises de la finance (BNP Paribas), de la publicité (BETC), du luxe (Hermès, Chanel) ou du monde de l’art (galerie Thaddaeus Ropac). Aujourd’hui, le Pantin « nouveau Brooklyn » alimente la presse : « Pantin, la nouvelle Brooklyn » (Les Échos, 1er août 2017), « This could be the new Brooklyn, the Brooklyn of Paris » (The New York Times, 31 octobre 2012), « Comment Pantin la rouge a séduit le monde du luxe » (L’Express, 4 juillet 2013), « À Pantin souffle le nouvel esprit du canal » (Les Échos, 6 mars 2015), « Pantin, le nouvel eldorado des jeunes Parisiens arty » (Madame Figaro, 18 janvier 2016). Ces transformations, les dynamiques de gentrification résidentielle et commerciale qu’elles appellent et la couverture de presse qui les relaie ont été l’objet de débats intenses dès les premiers ateliers conduits avec les jeunes.

 

— Les bâtiments du canal, la gare qui a été refaite, la gare de Pantin. Ils l’ont refaite complètement.

— Pantin, c’est une ville qui évolue dans le bon sens, structurellement.

— Je pense qu’il y a une nouvelle population qui est en train d’être amenée à Pantin… Après est-ce que c’est positif, je ne sais pas. Qu’est-ce qu’on fait de l’ancienne population en fait, de ceux qui sont là, est-ce qu’on les envoie vers la grande couronne, histoire de ramener une nouvelle population pour avoir une nouvelle image de Pantin ? Où est-ce qu’on les reloge ? Je ne sais pas. C’est une question que je me pose et je ne sais pas si c’est une bonne chose en fait.

— Moi je partage ton avis parce que c’est bien les trucs, Hermès, tout ça, qui apparaissent dans Pantin, même les nouveaux bâtiments tout ça, mais ça crée une hausse des loyers, c’est des marques de luxe, c’est connu. On habite à côté, donc les loyers augmentent. Les gens qui habitent à côté, ils n’ont pas les moyens pour une augmentation des loyers. Déjà, ils sont limites à la fin du mois et les loyers augmentent, donc ils sont forcés d’être exilés en dehors de Pantin. C’est pour ça, moi, je trouve que ce n’est pas… si positif que ça.

— Je suis d’accord, je suis vraiment d’accord, mais après quand on regarde bien, les nouveaux bâtiments qu’ils sont en train de faire… C’est super beau et là, tu te dis : mais, en fait, ça ne va apporter que de la nouvelle population ! Tu vois les petits babtous qui veulent quitter Paris et qui veulent s’installer en banlieue proche, ça rapporte ces gens-là ! Ce que je suis en train de te dire, c’est pourquoi ne pas déjà restaurer des trucs où tu as des gens qui habitent depuis tout petits, refaire leur endroit à eux au lieu de construire de nouvelles choses.

— Moi, j’habitais les Quatre-Chemins. Quand on a fait une demande [de logement social] le mieux [qu’on pouvait espérer] c’était d’avoir [un logement] à proximité de Pantin et si c’est à Pantin, c’est encore mieux. Donc, nous on a eu la chance d’être envoyé à Église de Pantin, c’est mieux, mais bon, il y a des familles… Il y a plein de familles qui ont été envoyées ailleurs, mais vraiment loin, ce n’est pas juste à côté.

— Je trouve ça dégueulasse. Tu as des Pantinois de souche. Le gars, il a grandi ici, il est dans le besoin d’un logement et on l’envoie à perpète, je trouve ça dommage.

— Ce que je veux dire, c’est que cette nouvelle population qui arrive, c’est une catégorie socio-professionnelle plus élevée, parce qu’on veut une nouvelle image de Pantin, Pantin plus riche, enfin voilà quoi, comme on voit dans les médias, Brooklyn, Pantin bobo. Je pense que c’est une nouvelle image de Pantin qu’on veut mettre et forcément, ça passe par la démographie, donc il faut des nouvelles personnes…

— Ceux [qui habitent] dans le privé, quand les baux sont renouvelés, eux, ils doivent se barrer vraiment loin. Ceux qui habitent Église de Pantin, il y en a beaucoup, la population d’Église de Pantin, elle a vachement changé et j’aimerais bien savoir où sont partis les gens qu’on ne voit plus à Pantin. Je pense qu’ils sont maintenant à Stains ou à Villepinte.

— Nous, on essaye de trouver un meilleur logement, mais les prix sont hauts, donc c’est compliqué…

— Il y a des points négatifs, mais l’évolution de la ville, tout ça, ça reste quand même pas mal. C’est beau quand même. Moi j’arrive sur le canal, je suis content de voir ça. Il y a 10 ans l’usine, tout ça… Là où on était assis la dernière fois, là où il y a les skates, les bancs tout ça… Sur le canal, avant, il n’y avait pas tout ça. Il y a une semaine, avec Hugo, on s’est assis dessus et franchement c’est cool. Je sais qu’il y a cinq ans de ça, on ne pouvait pas le faire.

— Il y a eu des nouveaux bâtiments au canal, et quand on regarde le prix, c’est impossible, ou en tout cas, pour moi c’est impossible d’accès en fait. On n’est pas loin du 6 000 euros le m2. Pour nous, c’est super dans le sens où on voit des nouveaux trucs et des nouvelles populations, mais nous s’il nous arrivait de demander un logement, eh bien ce ne serait pas forcément à Pantin car… Nous, on voulait habiter au canal, on a demandé, mais ils ont refusé car les revenus n’étaient pas assez hauts. On habitait un logement HLM à Raymond Queneau au Petit Pantin, et on a voulu rester à Pantin, donc on avait priorisé les nouveaux bâtiments parce qu’au fond même si on savait que ça allait être compliqué, autant tenter sa chance, mais du coup on a fini à Église de Pantin, donc on crache pas dessus parce que ça reste à Pantin, mais voilà on sait aujourd’hui que le canal pour y habiter, c’est pas pour nous… c’est pas pour les gens qui sont habituellement à Pantin.