Les mots

Maraudes

Faire par soi-même

Marie-Hélène Bacqué
Sociologue

« Aller soutenir les populations marginalisées dans la capitale, c’est mettre en pratique des valeurs d’entraide reliées pour certains à une morale religieuse, c’est aller vers l’altérité et l’échange de paroles avec des inconnus. »

Les maraudes à Paris représentent une expérience commune à beaucoup de jeunes, qu’ils y participent avec des associations locales ou de façon spontanée. Ainsi, lors d’une des rencontres entre groupes tenues au cours de la recherche, c’est pour une maraude dans le 18e arrondissement qu’ils se sont retrouvés en soirée. Nous avons été surpris de cet engouement.

Paris 18 – Maraudes

Paris 18 – Maraudes

Distribution de repas à des réfugiés dans le 18e arrondissement de Paris.

Bien sûr, ces jeunes ne sont pas les seuls à faire des maraudes. Mais il est frappant de constater cette solidarité des quartiers populaires vers un Paris qui symbolise par ailleurs la richesse et les inégalités. Aller soutenir les populations marginalisées dans la capitale, c’est mettre en pratique des valeurs d’entraide reliées pour certains à une morale religieuse, c’est aller vers l’altérité et l’échange de paroles avec des inconnus, mesurer ses propres conditions de vie à l’aune de celles des personnes secourues. « Ça pourrait nous arriver », expression revenue plusieurs fois, traduit à la fois la conscience d’une identification avec l’autre et sa mise à distance. Faire par soi-même en voyant les résultats, est une caractéristique des modes d’engagement des jeunes. Par soi-même, mais parfois « tout contre » – dans les deux sens du terme – la municipalité ou des associations installées, en s’appuyant sur « la famille » ou sur la communauté du quartier, puisque les mères sont aussi mobilisées pour cuisiner ou contribuer aux achats, les commerçants proches pour fournir des denrées alimentaires. Pour autant, chacun reste maître de l’importance et de la durée de son engagement qui représente une expérience, un moment partagé où on se retrouve entre « jeunes des quartiers », un levier dans l’acquisition de compétences voire dans des trajectoires de professionnalisation. Les maraudes témoignent de la survivance des valeurs de solidarité dans les quartiers populaires et au fil des générations.

 

Il est frappant de constater cette solidarité des quartiers populaires vers un Paris qui symbolise par ailleurs la richesse et les inégalités.