Les limites de la méritocratie
« La chance est donnée à tout le monde ; mais tout le monde ne part pas avec les mêmes avantages. »
Après le bac, j’ai choisi de faire une classe prépa économique. C’est là que j’ai dû faire face aux failles du système méritocratique français. Pour parler concrètement, je me suis retrouvé dans une classe avec une grande majorité de fils de cadres — et encore, c’était pas très élitiste, cette prépa — qui ne partageaient donc pas les mêmes préoccupations que nous autres, issus de milieux plus populaires. D’ailleurs, comme par réflexe : je me suis rapproché des personnes que je considérais de mon milieu, qui vivaient plus ou moins les mêmes réalités du quotidien. Par exemple, nous, on n’avait pas cette « ambiance prépa » à la maison : des sollicitations extérieures en tout genre venaient rythmer nos heures de travail. En classe, l’exercice des interrogations orales nous faisait bien sentir qu’il nous manquait certains codes. Je ne vais pas faire le sociologue à deux balles, mais il me semble que c’est ce que Bourdieu appelait l’habitus.
J’ai aussi remarqué que mes camarades de classe pouvaient avoir certains préjugés par rapport au « Noir de banlieue ». Je revois encore leurs têtes étonnées de lire mon nom en haut du classement. J’avais envie de leur dire : « Ben quoi ? Ça te surprend ? On travaille, tout le monde travaille et celui qui travaille réussit — point ».
Bien évidemment, la dimension économique est le principal facteur d’inégalité dans ce genre de filière. En ce qui me concerne : j’ai dû travailler les week-ends durant l’année des concours — autant d’heures que je n’ai pas pu consacrer aux révisions.
Donc pour finir je dirais que oui, la chance est donnée à tout le monde ; mais tout le monde ne part pas avec les mêmes avantages. Cette discrimination, certes latente, n’en est pas moins préjudiciable pour ceux qui la subissent.