Les mots

Police

Ils ne peuvent pas entrer comme ça sans mandat dans nos structures

Mamadou Diallo
Directeur Association Zy'va - Nanterre
Mamadou Doucara
Directeur espace Nathalie Sarraute - Paris 18e

« La question des relations entre police et jeunes des quartiers populaires est ancienne et les jeunes aujourd’hui vivent exactement la même chose que ce que nous avons vécu hier. »

La question des relations entre police et jeunes des quartiers populaires est ancienne et les jeunes aujourd’hui vivent exactement la même chose que ce que nous avons vécu hier. Pourquoi se fait-on contrôler tout le temps, gratuitement, avec parfois des situations humiliantes ? Il est difficile de partager cette expérience avec des gens extérieurs aux quartiers populaires – et Blancs : ils ne veulent pas croire que ce phénomène existe.

Lorsque nous devenons professionnels issus de ces quartiers, animateurs, médiateurs, éducateurs de prévention, rien ne change vraiment, nous sommes toujours jeunes, la police ne nous reconnaît pas. Maintenant, après la quarantaine, peut-être que nous ne ressemblons plus à des voyous car effectivement, nous ne sommes plus concernés par les contrôles et les vexations. Mais nos jeunes collègues, eux, restent bien souvent la cible de conduites inappropriées. Encore récemment, des policiers sont entrés dans une structure et ont mis tout le monde devant le mur. C’est aussi parfois un message adressé aux jeunes : pas la peine de compter sur vos animateurs, ils ne peuvent rien pour vous !

Nos structures ont pourtant fait leurs preuves en matière de prévention ou de médiation. Mais le travail au quotidien, le lien de confiance tissé avec les jeunes, la connaissance du territoire et de ses habitants sont rarement considérés comme une ressource. Certes, parfois dans les réunions institutionnelles ou dans le cadre de projets particuliers, tout le monde est d’accord et partage les mêmes analyses. Mais ces constats n’ont que peu d’effets sur le terrain. Parfois, certains policiers interviennent dans des instances comme les conseils municipaux de jeunes, mais ce ne sont pas ceux qui interviennent dans les quartiers.

Même lorsqu’un commissaire est particulièrement ouvert, ses moyens sont limités. On peut relever l’absence de réflexion politique au niveau de l’État sur la question de la prévention, qui n’est de fait pas prioritaire, de même que l’amélioration des relations avec la population. Les policiers n’interviennent pas sur cet objectif, ne sont pas formés en ce sens : certains policiers des BAC ne connaissent pas le territoire, ne sont connus de personne. Ils viennent avec l’idée – fausse – que tout le monde les déteste, alors que beaucoup de familles des quartiers populaires ont beaucoup d’autres problèmes, ils appellent les policiers lorsqu’ils en ont besoin, sinon, ils n’y pensent pas ! Il existe beaucoup de turnover au sein de la police mais aucune démarche systématique de connaissance du territoire et des partenaires pour les nouveaux arrivants.

On peut faire le parallèle avec l’Éducation nationale : beaucoup de turnover, des jeunes professionnels qui arrivent, parfois inquiets, des relations qui dépendent fortement des chefs d’établissement. De la même façon, ils n’ont pas le réflexe de venir rencontrer les partenaires de quartiers, ceux qui connaissent les familles et les jeunes avec qui ils travaillent. Dans l’animation, faire un diagnostic de territoire, c’est la première chose qu’on nous demande, alors que dans l’Éducation nationale ou dans la police, pas du tout !