Les mots

Famille

Le mariage forcé

Atelier d'écriture
Extraits

Cinq jeunes filles parlent du mariage forcé lors d’un atelier non mixte.

Cinq jeunes filles (Fatou, Hawa, Salimata, Soukeina, Yakaré, lycéennes de 18 et 19 ans, Paris 18e) parlent du mariage forcé lors d’un atelier non mixte.

— Moi je voudrais me marier dans deux ans, ou l’année prochaine. Qui sait ? Mais je ne peux pas me marier comme ça, genre… Il faut que je sorte avec quelqu’un avec qui je m’entends. Quand tu te maries avec une personne, c’est que vous avez vécu des choses, que la relation a duré. Un an, c’est trop tôt. Se marier avec une personne que tu n’as jamais vue ou que tu n’as vue qu’une fois… Moi personne ne m’a jamais imposé ça encore… Je dis « pas encore », parce que j’en connais plein des filles qui se sont mariées forcées. Mais moi je n’ai pas de pitié ! Même pour ma mère je ne le ferais pas, je lui dis si tu veux, tue-moi ! Je ne vais pas attendre qu’elle me présente un mari, je vais directement lui faire comprendre que non. Je ne vais pas passer par quatre chemins. J’ai assez vu des chroniques ou des histoires en vrai pour pas me voiler la face. Je dis directement non. Je ne veux pas, et c’est tout. Qui est pour le mariage forcé ? Personne ! C’est méchant. C’est comme si on te disait de tuer, moi je dis c’est la même chose, parce que là on ne sait pas à qui on donne notre enfant. Même si c’est une personne qu’on connaît… non, on ne peut pas.

— Franchement je ne sais pas avec qui je vais me marier moi. Et puis ça dépend des parents aussi un peu, quand même. Dans la religion, pour la femme, si le père il n’est pas d’accord tu ne peux pas te marier. Tu présentes ton copain et ça passe, ça passe, ça casse, ça casse. Le mariage forcé c’est triste parce que la famille en gros elle ne te laisse pas choisir ce que tu veux. On t’impose, tu es obligée de parler à cette personne-là alors que tu n’as pas envie. Moi ma mère m’a imposé de parler avec mon cousin, mais je lui ai dit non. Après, mon frère m’a un peu forcée à lui parler, et j’ai parlé avec lui et j’ai dit clairement que je ne voulais pas. Ma mère elle a le seum mais je m’en fous. En gros, là c’est moi, c’est ma vie. Je n’ai pas envie. En plus c’est mon cousin de sang, je ne veux pas. Mon père aussi il m’en parle, mais je pense que les daronnes elles sont plus dedans que les darons. Parce que mon père quand il me dit ça en gros ça se voit qu’il sait que je n’ai pas envie alors que ma mère elle m’en parle, je lui dis non et elle recommence. Il faut qu’ils arrêtent d’imposer leurs trucs à leurs enfants.

— Moi je connais 4 ou 5 filles qui ont été mariées forcées. Parfois il y en a même elles sont promises dès qu’elles sont petites. Genre dès leur jeune âge, elles ont déjà leur mari, ça se fait par lien de famille ou d’amitié des parents. Et après, dès qu’elles sont grandes, eh bah c’est fini. C’est dégueulasse. Celles que je connais au final ça finit bien, elles finissent par aimer la personne. Ce sont les parents et les oncles qui décident, des fois tu peux éviter, mais des fois tu ne peux pas éviter. Et puis une fois qu’ils sont chez toi tu n’as pas le choix. La bonne technique pour éviter, c’est que tu ramènes quelqu’un de bien chez toi. Moi ma mère est très ouverte, mon père aussi, personnellement il n’y a pas ça chez moi.

Les daronnes en soi quand il y a une… c’est bizarre de dire ça comme ça mais quand il y a une « offre » comme ça, bah directement elles se disent bah c’est une bonne occasion : comme ça ma fille elle va arrêter de rester dehors avec ses copines, elle va rentrer dans un vrai milieu. Elles, elles sont contentes, mais elles ne savent pas qu’en fait ça peut gâcher la vie d’une personne. Un « vrai milieu », c’est dans la vie de femme, au lieu de rester là avec ses copines, d’être dehors tout le temps. Elles préfèrent que leur enfant soit dans un foyer, qu’elles soient avec leur mari et tout, qu’elles soient… Une vraie vie plutôt que d’être comme ça quoi.

— Il y en a souvent des mariages forcés ! Mais moi je n’en connais pas qui ont vécu ça. Les filles quand ça leur arrive elles ne peuvent pas éviter ça, parce qu’elles ne sont pas au courant quand ça leur arrive. Ça se fait avec des cousins, ou des gens qu’ils connaissent qu’ils trouvent qu’ils sont bien. Nous on veut se marier avec la personne qu’on aime et qu’on connaît. Il faut que les parents soient ouverts, qu’ils laissent les enfants faire leur choix. Mais bon ça ne va pas changer en disant ça…

Note : Pour prolonger, lire sur la page « famille » du site « le mariage forcé d’Aminata » écrite par Salimata, Soukeina, Yakaré, Fatou et Hawa sur le modèle des romans de fiction qu’elles consultent sur internet.