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Famille

Nos familles : échanges autour des arbres généalogiques

Atelier d'écriture
Extraits

Des jeunes retracent leur arbre généalogique.

Plusieurs groupes de jeunes ont réalisé leur arbre généalogique au cours de la recherche, lors de temps de travail autour de la famille. L’exercice a été révélateur de la taille étonnamment grande de ce que les jeunes considèrent comme étant leur famille mais aussi de la complexité et de la diversité des structures familiales. Si certain·es ne souhaitaient pas exposer leur situation familiale en public, en particulier lorsque cela les aurait conduits à révéler des fragilités ou à prendre le risque d’être jugés par le groupe de pairs, la plupart ont bien voulu se prêter au jeu. Pour autant, l’exercice a rapidement été considéré comme impossible par nombre d’entre eux : comment faire en sorte que les très nombreux membres de ceux que l’on considère comme faisant partie de sa famille soient représentés sur le petit espace d’une feuille A4 ? Comment décider où s’arrête la famille et donc où arrêter cet arbre généalogique ? Comment faire figurer les liens de parentés complexes, en particulier les remariages et les enfants qui en ont été successivement issus, mais aussi les familles polygames ? Comment faire figurer les absent·es, les personnes décédées qui font pour autant toujours partie de la famille, mais aussi celles et ceux dont on ne connaît pas ou dont on a oublié le prénom, mais dont on sait pour autant qu’ils existent et que l’on considère comme faisant partie de sa famille ?

Lors d’un atelier collectif à Aubervilliers dont un extrait est reproduit ci-dessous, alors que chacun·e se met au travail, une jeune fille demande rapidement : « mes grands-parents ont eu 13 enfants comment je fais les 13 ? ». Après avoir terminé, elle s’interroge : « C’est compréhensible ? Là c’est le deuxième mari de ma mère, mon père il est mort. Mon grand-père il est encore en vie, il a 94 ans. Après je sais que j’ai plein de demi-frères et sœurs parce que mon papa était marié avec trois autres femmes, mais je ne les connais pas ». Un jeune commente l’arbre de son voisin : « tout ça c’est tes frères ? Vous êtes beaucoup ! ». À un jeune qui ne connaît pas les prénoms de tous les membres de sa famille et se demande comment faire, un autre répond : « si tu ne connais pas son blaze, tu mets un surnom ! C’est dur quand même d’appeler une tante X ! ». Une autre se trouve en difficulté : « Mais en fait ils sont mariés entre cousins et cousines… Comment je fais ça ? ». Une fois les arbres terminés, chacun·e est invité·e à présenter son dessin, et à parler plus précisément d’une personne qui lui semble particulièrement importante dans sa famille.

Sara (17 ans, lycéenne) : En gros là c’est mes grands-parents, mes oncles et tantes, là c’est ceux avec qui ils se sont mariés et ça ce sont leurs enfants ! La plupart sont en France, quasi tous, et le reste est en Algérie. La personne importante pour moi c’est mon oncle, parce que c’est la tête de la famille. C’est le seul qui a fini ses études. Les autres n’ont pas de diplôme, ou ils se sont arrêtés tôt, ou ils ont eu des CAP… Mon oncle travaille dans l’informatique. Ça veut dire qu’à chaque fois qu’on a un problème avec l’informatique c’est lui qu’on appelle.

Nadia (17 ans, lycéenne) : Moi j’ai mis mes grands-parents et après il y a tous leurs enfants, mais je n’ai gardé que mon père et ma mère. Après, il y a ma grande sœur, moi, mon petit frère et ma petite sœur. Ça c’est mon beau-père. Lui il est particulier, parce que c’est le seul qui a réussi dans la famille. Les autres ont arrêté l’école. Les filles étaient obligées d’arrêter l’école parce qu’il fallait qu’elles traversent une forêt. Elles habitaient à une heure de l’école, en Algérie. Du coup ma grand-mère leur a fait arrêter l’école. Mais les garçons continuaient à y aller. Mais il n’y en a qu’un seul qui se donnait vraiment aux études. Et puis il a fini par quitter l’Algérie, il a continué ses études, il est devenu médecin-chirurgien en Amérique et il est millionnaire. Tous mes tontons qui ont raté leur vie veulent faire comme lui !

Steven (17 ans, lycéen) : Du côté de ma mère, il y a le grand-père et la grand-mère mais je ne me rappelle plus de leur prénom. Ma mère, elle a sa sœur, c’est ma tante, je suis très proche d’elle. On va manger chez eux. Ils habitent à côté de chez moi, du coup on est très proches. Et il y a leurs enfants, mes cousins et cousines. Ils ont à peu près mon âge. Et j’ai un frère et une petite sœur. Mon frère vit aux États-Unis, il est adulte, il étudie. Mon père, il est au Cameroun.

Jasmine (17 ans, lycéenne) : Il y a mon grand-père. Après, il y a ma grand-mère. Ils ont eu dix enfants dont ma mère. Après, ma mère a eu mon frère et ma sœur avec mon père. Et mon père est mort. Et elle m’a eu moi. Mon grand-père habite au Canada avec les frères et sœurs de ma mère. Ma mère habite en France. Le frère de ma sœur habite en Haïti.

Noura (17 ans, sans activité) : Ici il y a mes grands-parents du côté de ma mère. Ils ont eu neuf enfants. Je n’ai pas tout mis parce que c’était long. Du côté de mon père, je ne les ai pas mis parce qu’ils ne sont plus là, ils sont décédés. Et j’ai mis le frère et la sœur de mon père, après y a les enfants de ma mère, j’ai mis aussi ma sœur et mon beau-frère… Et ici il y a mes neveux, ma nièce. Ma mère et ma grand-mère, dans toute ma famille, ce sont les deux qui comptent le plus pour moi.

Slimane (18 ans, lycéen) : Là il y a les grands-parents. Après, il y a mon père, il y a ma mère. Après du côté de ma mère, j’ai deux tatas et deux oncles. Et du côté de mon père, j’ai deux oncles et ma tata. Après, j’ai deux petits frères, une grande sœur. Mes oncles… Le plus grand habite à Bobigny, l’autre à Épinay et les autres sont en Turquie.

Yakaré (17 ans, lycéenne) : Moi j’ai mis ma mère, mon père, mes frères et mes cinq sœurs. Une de mes sœurs a deux enfants, une autre en a trois, la plus grande en a quatre. J’ai mis ma mère qui est née au Mali. Elle a des demi-frères et des demi-sœurs. Elle n’a pas de vrais frères et sœurs. Après il y a mon père. Il est né au Mali. Il a trois grands frères, un qui habite au Mali, un qui habite en France, un autre qui habitait en France, qui est décédé. Après il y a ma grand-mère. Je ne l’ai pas connue parce qu’elle est décédée et mon grand-père s’est marié avec une autre femme. Il y a la grand-mère du côté de mon père que je n’ai pas connue. Le frère de mon père, c’était un peu la voix de la sagesse de la famille. Mon père et ses frères sont des caractériels. Lui, c’était un peu celui qui calmait le jeu. Et vu qu’ils n’ont pas connu leur père, c’était leur grand frère mais c’était leur père aussi. Il avait une place particulière. Ma mère c’est ma raison de vivre. Mon grand-père, il est vaillant. Il est venu en France, il a vécu quarante ans en France, il a travaillé. Un jour, il s’est fait renverser par une voiture et comme il n’avait pas de papiers, ils l’ont laissé dans la rue. C’est un inconnu qui l’a ramassé et qui l’a amené à l’hôpital. Il a pris un avocat, il a envoyé son patron en justice. Il a eu plein d’indemnités. Aujourd’hui, il est parti au Mali et depuis il habite là-bas. Il peut venir en France, mais il n’aime pas la France.

Julie (18 ans, lycéenne) : Là il y a mon arrière-grand-mère. Là, il y a mes grands-parents, mes grands-parents, les frères et sœurs de ma grand-mère, le frère de mon grand-père, mes parents, mes cousines, les sœurs de mon père et leurs maris. Mon arrière-grand-mère, c’est elle qui arrivait à réunir toute la famille. Même après qu’elle soit partie, on se voit encore autour de sa mort.

Faiza (16 ans, lycéenne) : Il y a ma grand-mère du côté de ma mère, le grand-père du côté de mon père. Là, la sœur de ma mère, là les sœurs de mon père. Après il y a des demi-frères, mais je n’ai mis que les sœurs proches. Là, il y a la fille de ma tante. Là, il y a moi et mes sœurs. Là, il y a mon demi-frère et les enfants de ma sœur. Elle, c’est ma sœur la plus proche. Elle a réussi. C’est à peu près elle que je veux suivre dans ma vie, parce qu’elle a bien réussi ses études. Elle a fait un bac, puis un BTS et là elle va faire une licence.